La mobilité électrique dans le réseau
Le gestionnaire du réseau électrique français (RTE) a démontré que le système est tout à fait en capacité de soutenir la mobilité électrique. Avec la mise en place d’un bon système de pilotage de la recharge, ces véhicules ne se contenteront pas de « rouler propre » mais seront une réelle opportunité pour le réseau.
Le 10 juin dernier, Maïté Jaureguy-Naudin, directrice innovation et données chez RTE a présenté les résultats d’une étude sur la mobilité électrique publiée en mai 2019 mais qui est régulièrement mise à jour, « La mobilité électrique : impacts et bénéfices pour le système français ». Rappelons que le transport représente 31% des émissions de gaz à effet de serre (soit 136 millions de tonnes par an) en majorité dues au transport routier. Avec 19 millions de tonnes de CO2/an, la production d’électricité est un secteur faiblement émetteur de gaz à effet de serre (GES) à côté. Il est tout naturel que les véhicules électriques (VE) trouvent leur place dans notre monde en pleine mutation.
La bonne nouvelle, c’est que le système électrique français sera tout à fait en mesure de fournir la capacité d’électricité nécessaire à l’alimentation des VE. L’objectif est de mettre 15,6 millions de VE en circulation sur le marché français en 2035. En comptant ces véhicules, la consommation totale d’électricité (chauffage compris) à cette date s’élèvera à moins de 500 TWh pour une production décarbonée disponible (toutes énergies confondues : bioénergies, solaire, hydraulique, nucléaire) de 600 TWh, selon les prévisions. Le réseau est donc capable de soutenir cette mobilité électrique.
La mobilité des Français
En premier lieu, les habitudes des Français ont été étudiées afin de déterminer des scénarios de trajectoires de mobilité électrique via une enquête « transports-déplacements ». Il en ressort que les déplacements longue distance, supérieurs à 80 km ne représentent que 20 % des distances annuelles et chaque jour ouvré, un tiers des véhicules n’est pas utilisé. Un particulier prend sa voiture seulement 4 % du temps. Il faut également tenir compte des changements de comportements des usagers qui se tournent plus volontiers vers des déplacements multimodaux : train, bus, vélo… Les appels de puissance des VE engendrés par les pics de consommation lors des plus grosses périodes de vacances – les chassés-croisés des départs en été – sont minimes par rapport à la consommation électrique pour se chauffer en période hivernale : 8 GWh pour les VE lors de ces chassés-croisés et 100 GWh pour le chauffage lors des grands froids. « Le seul moment éventuellement critique serait celui des départs en vacances de la Toussaint qui, concomitant avec une vague de froid à ce moment-là, pourrait potentiellement, si on n’avait pas mis en place le pilotage de la recharge, demander plus de vigilance de la part du gestionnaire du réseau », explique Maïté jaureguy-Naudin, qui cependant n’est pas du tout inquiète sur l’avènement d’un tel scénario.
Trois scénarios envisagés
En effet, il est essentiel pour développer efficacement cette mobilité électrique de bien réfléchir aux modes de pilotages. Faciliter l’accès aux bornes de recharges électriques est primordial. Trois scénarios ont été envisagés. Le scénario Opéra prévoit des bornes de recharge sur les lieux de travail (en plus du domicile) pour optimiser leur utilisation tout au long de la journée. Ainsi, les salariés en rechargeant leur VE pendant qu’ils sont au bureau évitent de créer un appel de puissance comme ce serait le cas s’ils rechargeaient tous à 19h en rentrant chez eux. « Un mode de pilotage même simple : heures creuses/heures pleines, comme celui de nos chauffe-eau à domicile, permettrait de réduire la contribution à la pointe de la consommation nationale d’électricité », souligne Maïté jaureguy-Naudin. Les modes de pilotages qui utilisent les nouvelles technologies sont des leviers très importants de la réussite de l’utilisation du VE et de la rentabilisation de son utilisation. Il est essentiel de bien optimiser son VE en ventilant les recharges à des moments opportuns de la journée et de la semaine. Et la technologie va encore plus loin avec les vehicles-togrid (véhicules connectés au réseau), qui possèdent des systèmes de stockages intelligents capables d’injecter de l’électricité sur le réseau. Ces véhicules pourraient apporter de la flexibilité sur le réseau notamment lors des appels de puissance en hiver.
Quid du véhicule autonome ? là aussi il y a eu une étude (sur des taxis autonomes) mais les conclusions ne sont pas, pour le moment, concluantes. En effet, lorsque les véhicules roulent à vide pour aller chercher leurs passagers, c’est autant d’énergie renouvelable gaspillée. Le VE est principalement utilisé pour la mobilité du quotidien et « pouvoir s’appuyer sur des modes de pilotage qui permettent d’augmenter les synergies entre la mobilité et le système électrique est une vraie opportunité pour le gestionnaire de réseau que nous sommes », poursuit la directrice de l’innovation chez RTE.
Des leviers de flexibilité
En pilotant correctement la demande, le suivi de la consommation peut être adapté à la production des énergies renouvelables. Plus les modes de pilotages sont sophistiqués, plus la production et la consommation en électricité sont lissées. Mais un pilotage simple sur un grand nombre de véhicules est déjà très performant : « Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de développer des technologies plus élaborées », analyse la directrice de l’innovation. Et de préciser que RTE mène les études pour évaluer les bénéfices, notamment économiques, des différents systèmes de pilotage, mais laisse aux constructeurs l’appréciation et la mise en application de ces différentes technologies sur les véhicules. Pour une voiture essence qui parcourt 15000 km par an, le coût s’élève à 1 240 euros de frais annuels (moyenne de chiffres du parc de véhicule français). Avec un VE, on divise par trois le coût d’utilisation. Enfin, dans un pays qui utilise un mix électrique peu carboné (comme la France) et pour une utilisation moyenne de 200 000 km (la durée K de vie moyenne d’un véhicule), les émissions de GES liées à la fabrication de la batterie sont largement compensées par la réduction des émissions lors de l’utilisation du VE. Enfin, il faut tenir compte de leviers supplémentaires dans la réduction de GES : notamment lorsque les batteries sont fabriquées en France et lors d’un bon pilotage de la recharge avec accès maximum à des stations. « Pendant longtemps, on a pensé que le coût d’achat d’un VE était un frein, car il faut investir un capital plus important au départ. Néanmoins, les constructeurs automobiles font des efforts. On estime qu’à l’horizon 2030 un VE ne coûtera pas plus cher qu’une voiture thermique », avance Maïté jaureguy-Naudin.