Peps5 : la pertinence des solutions de stockage évaluée

23 02 2023
Clément Cygler
Romaset/Adobe Stock

Avec le développement des énergies renouvelables, la recherche de nouvelles flexibilités est indispensable pour l’équilibrage du réseau électrique. Mais quelles sont les solutions de stockage les plus pertinentes pour la collectivité dans son ensemble ? L’étude Peps5 de l’ATEE, réalisée par Artelys, apportent certaines réponses.

Les objectifs de décarbonation que se sont fixés la France et de nombreux pays en 2030 et 2050, imposent une modification des systèmes énergétiques ainsi qu’une électrification de certains usages. Pour y parvenir, des efforts de sobriété et d’efficacité énergétiques doivent accompagner un fort essor des capacités de production d’énergies renouvelables (EnR), le solaire photovoltaïque et l’éolien en tête. Cette part croissante et conséquente d’énergies renouvelables, de nature intermittente, nécessitera le développement de nouvelles flexibilités pour assurer la stabilité des réseaux électriques.

Avec le pilotage de la demande et les interconnexions électriques, le stockage d’énergies et ses différents dispositifs sont une des solutions d’ajustement et d’équilibre. Selon les bases de données DOE (US), près de 200 GW de capacités mondiales de stockage d’électricité étaient recensés fin 2020, dont plus de 92 % étaient couverts par des stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Mais ces chiffres devraient vite évoluer. L’European Association for Storage of Energy estime le besoin de stockage d’énergie à près de 200 GW pour le Vieux Continent en 2030 et jusqu’à 600 GW en 2050. Cela nécessite le déploiement de près de 14 GW de capacité par an, bien loin du rythme annuel actuel de 1 GW…

fig 1
DOE (2020)
Fig.1 : Top 10 des pays en termes de capacité de stockage installée (GW)

La France, avec ses 5 GW de Step et ses 500 MW de batteries, est bien évidemment concernée par cette dynamique. Que ce soient dans les scénarios prospectifs de RTE ou de l’Ademe, quelques gigawatts de batteries voire quelques dizaines sont attendus dans l’ Hexagone d’ici 2050. Afin de mieux définir l’importance et la place des technologies de stockage dans le moyen et long termes, un cinquième volet de l’étude Peps5 a été réalisé par Artelys et le CEA pour le compte du Club Stockage d’énergies de l’Association technique énergie environnement (ATEE). « Rassemblant tous les acteurs, Peps5 qui trace l’avenir du stockage sur 2030-2050 en France, est une étude passionnante et qui déclenche les passions. Le stockage est en effet à la croisée des réflexions sur la production, la consommation et l’équilibrage », indique Xavier Romon, délégué général du Club Stockage d’énergies.

Les bénéfices du stockage

Cette nouvelle édition vise ainsi à actualiser les précédentes études Peps en quantifiant l’intérêt économique pour la collectivité* des technologies de stockage et d’hydrogène à la marge de scénarios exogènes de développement du système en 2030 et 2050. « Nous savons globalement qu’avec le développement des EnR, les besoins de flexibilité vont augmenter mais pas forcément à la même vitesse pour toutes (journalière, hebdomadaire et saisonnière). L’approche de Peps5 est d’identifier le bénéfice du stockage dans différentes configurations pour réduire la facture globale pour la collectivité », précise Maxime Chammas, directeur de projet au sein d’Artelys.

Les besoins futurs en matière de flexibilité sont ainsi analysés en tenant compte d›un large éventail de scénarios en termes de déploiement de sources renouvelables, de sortie du charbon et de différents niveaux de capacité d›interconnexion. L’analyse s’est focalisée sur quinze cas d’études intégrant des technologies de stockage électrique, thermique et de Power-to-X. Elle a été réalisée afin d’étudier la valeur additionnelle et de comparer l’ajout de différentes solutions de flexibilité en s’appuyant sur trois scénarios (M1, M23 et N2) élaborés par RTE aux horizons 2030 et 2050. Dans le premier scénario (M1), les objectifs de 100 % d’EnR et d’une sortie du nucléaire devraient nécessiter plus de 20 GW de batteries et pratiquement autant en Power-to-gas (P2G) d’ici le milieu du siècle, alors que le N2, associant un développement d’EnR et la construction de 14 nouveaux réacteurs, requerrait seulement 2 GW de batteries et moins de 5 GW en P2G.

Des solutions pertinentes, d’autres moins

Ces différentes technologies de stockage ont une valorisation plus ou moins importante pour la collectivité en fonction de leur efficacité, leur ratio puissance/énergie et bien évidemment leur coût. « De manière générale, la hiérarchie entre technologies ne varie pas énormément en fonction des scénarios étudiés dans PEPS5 », note toutefois l’étude. Selon les conclusions, la technologie des Step apparaît comme une solution de stockage centralisée la plus pertinente et a beaucoup de valeur dans les scénarios étudiés. « Il faut en faire autant que possible », estime ainsi Maxime Chammas, « mais le potentiel, évalué en tout à 8,5 GW en métropole, reste très limité ».

Ratio valeur marginale/coûts moyens  des quinze cas d'études pour 2050
Ratio valeur marginale/coûts moyens  des quinze cas d'études - 2050
source : Peps5 (2022)

À la différence des Step, les résultats pour les batteries apparaissent moins probants. La valeur du stockage court, type batterie centralisée, dépend ainsi beaucoup du développement des autres technologies et des flexibilités apportées. « Nécessitant d’importants investissements, le déploiement des batteries de stockage ne sera réellement possible que si elles font du multi-service, et donc multiplient différentes sources de revenus (réserve, capacité et arbitrage) », souligne Xavier Romon, ajoutant que « le stockage profite de l’arbitrage donc de la volatilité des prix, et en même temps, concourt à la stabilité des prix en lissant les pointes et la production intermittente des EnR ». L’usage des batteries Li-ion couplé à l’autoconsommation, sans réinjection sur le réseau électrique, devrait devenir rapidement intéressant pour les particuliers mais ne l’est pas du point de vue de la collectivité, cet usage étant plus cher et plus contraint que peut l’être l’usage des batteries centralisées.

Véhicules électriques et power-to-hydrogen

Un autre point mis en avant dans Peps5 est la pertinence de la recharge des véhicules électriques (VE). Selon RTE et Avere-France, jusqu’à 15,6 millions de VE pourraient être sur nos routes en 2035, consommant près de 40 TWh par an, soit près de 8 % de la production totale d’électricité en France. Les batteries pourraient donc contribuer d’une façon non négligeable aux besoins de flexibilité du réseau. « Le fait de passer d’une charge non pilotée pour les VE à une charge pilotée de façon simple avec un tarif équivalent heure pleine/heure creuse aurait une valeur très importante pour la collectivité, sans nécessairement aller jusqu’au vehicle-to-grid (V2G). C’est un axe à étudier », pointe le directeur de projet d’Artelys.

Le stockage électrique pourrait également s’orienter vers des installations dédiées au power-to-hydrogen-to-power (P2H22P) qui devraient progressivement voir le jour. Mais l’intérêt économique pour la collectivité ne serait pas garanti, selon Peps5, même en 2050. Des freins économiques persistent, et les rendements, que l’on peut qualifier de mauvais, ne s’amélioreront pas. « Avec les hypothèses de coûts et de système énergétique considérés dans l’étude, la pertinence économique des installations P2H2 industrielles et H22P requiert de mutualiser l’usage des installations de production et de stockage d’hydrogène avec d’autres utilisations, notamment l’industrie ou le transport lourd », insiste l’étude.

Enfin, une des solutions avancées serait le recours au stockage thermique. La production de chaud et de froid s’électrifiant, leur interconnexion croissante avec le système électrique offre de nouvelles opportunités pour trouver des gisements de flexibilité. « Cet angle d’approche est assez nouveau, et la pertinence de leur flexibilité n’avait jusque-là pas été réellement étudiée », précise Xavier Romon. Par exemple, un travail spécifique a été fait pour prendre en compte la consommation des pompes à chaleur dans les réseaux et la flexibilité qu’elles pourraient apporter couplée à des stockages de chaleur. « Surtout que ce gisement n’est pas si restreint… Les réseaux de froid et de chaleur représentent aujourd’hui plusieurs centaines de GWh électrique de consommation et vont continuer à se développer sur tout le territoire. Et dans l’industrie, la chaleur électrifiable et le froid représentent chacun environ 10 TWh », conclut Maxime Chammas.


Le stockage gazier et ses freins avant tout financiers
Pour cette 5e édition, l’étude Peps a également caractérisé l’intérêt économique du Power-to-gas, que ce soit pour la production d’hydrogène renouvelable ou de méthane de synthèse. Selon Artelys, à horizon 2030, l’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz ne serait intéressant économiquement pour la collectivité que si le prix du CO2 évité : entre 160 et 200 €/tCO2 pour un électrolyseur alcalin et entre 250 à 310 €/t pour un électrolyseur PEM. Toutefois, dans une configuration de prix de gaz hauts (80 €/MWh), ce qui est actuellement le cas, l’intérêt pour l’injection peut apparaître avec un prix du CO2 plus faible (85 €/tCO2). Pour la méthanation, le coût de production est aussi très dépendant de celui d’approvisionnement du CO2. Ce dernier est quasi-nul pour projets de captation du CO2 en aval des unités de méthanisation et peut atteindre les 350 €/tCO2 pour le procédé de récupération directe dans l’air.

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