Produira-t-on un jour de l’électricité depuis l’espace ?

22 12 2022
Olivier Mary
ESA

Depuis une dizaine d’années, les agences spatiales s’intéressent aux centrales solaires orbitales. Elles permettraient de produire de l’électricité depuis l’espace. Les freins technologiques et financiers restent très nombreux malgré un coût d’accès à l’espace en baisse. Si des projets pourraient voir le jour d’ici 2040-2050, cette technologie relève pour l’instant et surtout de la science-fiction.

Produire de l’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques installés sur des satellites en orbite est possible et totalement maîtrisé. C’est d’ailleurs de cette façon que ces équipements ou la station spatiale internationale fonctionnent. Mais capter l’énergie solaire depuis l’espace pour la renvoyer vers la Terre est un défi bien plus difficile. Cette idée n’est pourtant pas nouvelle. Elle a vu le jour à la fin des années soixante avec l’objectif de produire une énergie propre. Elle est restée prisée par les agences spatiales jusqu’aux chocs pétroliers des années 1970, avant de disparaître victime de contraintes d’assemblage, de maintenance, et de coûts insurmontables à l’époque. Deux expériences concluantes de transmission sans fil avaient tout de même eu lieu, validant le concept. Elles avaient été menées aux États-Unis en 1975 par la société Raytheon, et par le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa, qui avait diffusé 30 kW de puissance sur une distance de 1,54 km.

Depuis une dizaine d’années, les avancées technologiques, le souhait des différents pays de parvenir à l’autonomie énergétique et surtout le coût d’accès à l’espace qui diminue avec l’apparition de lanceurs réutilisables, semblent avoir redonné un souffle aux centrales solaires orbitales. Il y a à peine quinze ans, le coût moyen d’un lancement en orbite terrestre basse par un lanceur non récupérable était d’environ 10 000 euros par kilogramme transporté. Avec ses fusées Falcon 9, SpaceX révolutionne l’industrie spatiale avec une capacité de levage de 150 tonnes vers l’orbite terrestre basse, pour un coût nettement inférieur à 1 000 €/kg et qui pourrait même atteindre 200 €/kg ou moins dans le futur. Signe d’un intérêt grandissant envers les centrales solaires orbitales, le nombre de publications, d’expériences scientifiques et de dépôts de brevets a fortement augmenté.

Un dispositif micro-ondes coûteux

Deux technologies capables de transmettre l’énergie captée en orbite vers la surface de la Terre coexistent : les micro-ondes et le laser. La première repose sur deux grands réseaux de miroirs. L’énergie est alors convertie en un faisceau de micro-ondes transmis à un champ d’antennes réceptrices au sol afin d’être converti en courant électrique. Cette technologie présente de nombreux avantages et son principe est maîtrisé. « La transmission d’énergie est stable quelles que soient les conditions météorologiques et chaque satellite peut transmettre l’équivalent d’une puissance maximale de 1 GW au sol », explique Pierre Gadrat directeur de Business Unit chez Alcimed.

Mais elle est aussi handicapée par de nombreux défauts. Le satellite doit tout d’abord être envoyé en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres de la Terre. Cela le rend complexe à envoyer dans l’espace, d’autant plus que ses dimensions très imposantes obligent son assemblage sur place, et non au sol. Son éloignement rend aussi la maintenance périlleuse. De plus, les antennes au sol nécessaires pour capter les ondes devraient être gigantesques. Pour une puissance de 1 GW, elles devraient mesurer environ 8 km de diamètre. Pour toutes ces raisons, le coût d’une telle installation serait énorme. Il est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Le laser moins puissant

La seconde technologie envisagée transmet l’énergie au moyen d’un rayon laser. Le principe est assez similaire à la transmission par micro-ondes, mais diffère de par les longueurs d’onde utilisées. Si la plupart des transmissions d’énergie sans fil reposent sur des fréquences micro-ondes de 2,45 ou 5,8 GHz, celle par laser a lieu dans le spectre de fréquences visible ou proche infrarouge (1,5 μm). Les équipements utilisés sont donc assez différents et surtout bien plus compacts. Cette caractéristique permet de les lancer déjà assemblés depuis le sol. De plus, ces installations sont placées en orbite basse, à seulement 2 000 km d’altitude et le faible diamètre du laser facilite sa réception au sol par des équipements relativement modestes, bien loin des antennes de 8 km de diamètre nécessaires pour capter les micro-ondes.

Ces spécificités rendent ces satellites bien moins coûteux, mais également bien moins puissants. Ils ne peuvent dépasser 10 MW de capacité. Pour produire massivement, il faudrait donc en lancer énormément, ce qui ne rendrait pas la technologie si bon marché… En outre, « le laser subit l’impact des conditions météorologiques terrestres et sa production baissera en cas de couverture nuageuse ou de pluie », précise Pierre Gadrat. Enfin, le laser pose des problèmes de sécurité. Il risque d’aveugler des pilotes d’avions et interroge sur la militarisation de l’espace. En effet, il est possible de construire des armes reposant sur la technologie laser. Des recherches sur des projectiles à énergie pulsée sont déjà menées.

Les projets se multiplient

Malgré les nombreux défis à surmonter, cette idée est en plein essor. C’est aux États-Unis que les projets publics et privés se multiplient. Le département de la Défense a mené des tests concluants depuis deux ans. Le projet « Photovoltaic Radiofrequency Antenna Module » (PRAM) s’est déroulé lors de la sixième mission de l’avion spatial X-37B de l’US Air Force en mai 2020. Il a transporté un module photovoltaïque en orbite basse pour tester la viabilité de la conversion de la lumière du soleil en électricité à l’extérieur de l’atmosphère et les performances qui en résultent. Un test de transmission du courant vers la Terre devrait être expérimenté en 2025. 100 millions de dollars ont été versés pour le réaliser. Les laboratoires de l’armée ont aussi fait des tests sur terre pour vérifier l’efficacité de la transmission électrique par laser ou microondes : un laboratoire de la marine a envoyé avec succès 1,6 kW sur une distance de plus d’1 km en 2021.

Le Royaume-Uni mise aussi clairement sur cette technologie. En mars 2022, le ministre des Sciences britannique a déclaré qu’il était « prêt à soutenir » un projet de développement. La « Space Energy Initiative », qui réunit le gouvernement, des organismes de recherche et des industriels a été créée. Son objectif est de mettre en œuvre un premier démonstrateur en orbite basse d’ici 2030 et un premier système opérationnel d’ici 2040. Le projet britannique atteindrait une puissance de 2 GW. Selon un rapport rendu aux autorités d’Outre-Manche, les centrales solaires orbitales pourraient fournir environ 15 % de l’électricité du pays en 2042. Des projets sont également en cours en Chine, au Japon et en Australie.

L'UE s'élance aussi

L’Union Européenne est un peu en retard par rapport à ses concurrents anglo-saxons mais a fini par se lancer. Au mois de novembre, l’Agence spatiale européenne (Esa) a proposé lors du conseil réunissant les États membres un programme baptisé Solaris. Son but est d’évaluer la viabilité technique des centrales orbitales ainsi que les problèmes potentiels sur l’environnement, la santé, la sécurité et les défis liés à la réglementation et à la coordination de la politique spatiale internationale. L’Esa avait auparavant commandé deux études sur les coûts de ces équipements. Ses auteurs estiment que les centrales solaires orbitales pourraient fournir de l’électricité compétitive d’ici 2040 et compléter la production renouvelable tout en réduisant le besoin de solutions de stockage. Si les conclusions de Solaris sont positives, un programme de développement concret pourrait être porté à partir de 2025.

 

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