La règlementation ICPE renforce les exigences en formation de la méthanisation

22 09 2021
Philippe Bohlinger
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Les récentes modifications de la rubrique ICPE n°2781 spécifique à la méthanisation introduisent des exigences jusqu’alors inexistantes en matière de formation. Une conférence organisée le 1er septembre dernier dans le cadre d’Expobiogaz à Metz a été l’occasion de détailler ce nouveau cadre règlementaire et de présenter les cursus d’ores-et-déjà mis en place par la filière.

Créée il y a onze ans, la rubrique ICPE n°2781 spécifique à la méthanisation évolue. Le 30 juin, trois arrêtés ministériels sont venus modifier les prescriptions applicables à ces unités de production de biogaz à partir de déchets organiques relevant du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Le ministère de la Transition écologique y a notamment introduit des exigences en matière de formation ; une demande jusqu’alors inexistante. Une conférence organisée dans le cadre d’Expobiogaz, les 1 et 2 septembre à Metz, a permis de faire le point sur ces nouveaux enjeux. Jusqu’à présent, les seules formations imposées par voie règlementaire étaient celles dispensées par les constructeurs d’équipements dans le cadre de la directive européenne « machines ». Toutefois, ces formations demeurent limitées dans le temps et ne couvrent pas la totalité des thématiques : sécurité, biologie, exploitation/ maintenance, zonage Atex, etc.

La nouvelle rubrique ICPE n°2781 stipule qu’avant le démarrage des installations « l’exploitant et son personnel d’exploitation, y compris le personnel intérimaire, sont formés à la prévention des nuisances et des risques générés par le fonctionnement et la maintenance des installations, à la conduite à tenir en cas d’incident ou d’accident et à la mise en œuvre des moyens d’intervention. » La règlementation demande par ailleurs que les formations soient dispensées par des organismes « reconnus » ou des « personnels compétents sélectionnés par l’exploitation ». Elle ajoute qu’à l’issue de la formation, ces derniers établissent une « attestation » de formation.

Diffuser la culture de la sécurité

« Ces modifications de la rubrique ICPE n°2781 correspondent à une exigence des pouvoirs publics de professionnalisation de la filière. Les premières unités de méthanisation s’apparentaient à des prototypes développés par des pionniers maitrisant la technique. La diversification des profils qui accompagne la montée en puissance de la filière implique une évolution et un encadrement des pratiques, afin de diffuser plus largement la culture de la sécurité dans les exploitations », juge Alice L’Hostis, directrice du Centre technique national du biogaz et de la méthanisation (CTBM) hébergé par le Club Biogaz de l’ATEE. On compterait actuellement entre 5 000 et 8 000 emplois en France dans le secteur de la méthanisation, un chiffre qui pourrait grimper à 32 500 d’ici 2030, dans une hypothèse médiane, autrement dit avec 10 % de gaz vert injecté dans le réseau.

Ces emplois pourraient être créés en exploitation/maintenance dans les unités de méthanisation, mais aussi conception/réalisation dans les bureaux d’études. Mauritz Quaak, vice-président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) reconnait qu’en tant qu’agriméthaniseurs « nous n’avons pas forcément les bonnes méthodes. Nous devons apprendre à nous professionnaliser afin d’avoir les gestes et les réflexes adaptés lors de pannes, car c’est dans ces situations qu’un exploitant va se mettre en danger. » Stéphane Jitten, responsable exploitation maintenance du centre d’expertise industrielle sur les gaz renouvelables d’Engie (Ceigar), pratique la méthanisation depuis 2011 estime à ce titre qu’un agent 100% autonome, « c’est un an-et-demi à deux années de formation sur le terrain. Grâce au groupe de travail “Méthanisation” la professionnalisation va progresser, car nos travaux vont permettre d’établir un panel d’organismes de formation reconnus », éclaire-t-il.

Groupe travail méthanisation

Le groupe de travail « Méthanisation » a été lancé il y a deux ans conjointement par le Club Biogaz et le Comité Stratégique de filière « Industries des nouveaux systèmes énergétiques ». Il a incité les acteurs du secteur à se pencher sur les questions de formation. Ses membres participent actuellement au guide emploi-formation réalisé par Green Innovation et Biogaz Vallée. Le groupe de travail a réalisé un tableau des compétences métiers biogaz, défini des fiches métiers pour cinq postes critiques, etc. Leur objectif consiste à aider les organismes, mais aussi les constructeurs et les exploitants à bâtir une offre de formation qui maille tout le territoire, tout en améliorant la notoriété des métiers.
« Le modèle suisse impose des formations obligatoires de cinq jours. Comparativement, en France, la nouvelle rubrique ICPE reste plus floue. Elle demande l’enregistrement d’une attestation de formation, un document moins contraignant qu’une certification. Reste maintenant à définir ce qu’on considère comme des formations “reconnues”. Il n’est pas fait mention d’organismes agréés. D’où l’importance de mobiliser la filière pour mettre en place un cadre », complète Alice L’Hostis. La directrice du CTBM rappelle qu’actuellement la plupart des personnes travaillant en méthanisation et disposant d’une formation professionnelle relativement adaptée viennent de cursus généralistes comme des BTS ou des DUT pour les exploitants dans des thématiques maintenance, bioprocédés, génie chimique, etc. Pour les salariés de bureaux d’études ou encore les cadres, il s’agit d’écoles d’ingénieurs en procédés, en biologie, etc.

Certificat de spécialisation

Cependant, des diplômes spécifiques ont vu le jour à l’instar du certificat de spécialisation « Responsable d’unité de méthanisation agricole » (CS Ruma), le diplôme universitaire « Mise en oeuvre d’une unité de méthanisation » (DU Moum) ou encore le titre supérieur de « Technicien de maintenance industrielle biogaz » (TMBG) lancé en septembre 2020 par l’Association française du gaz (AFG) et hébergé par l’Institut des ressources industrielles à Lyon. L’AAMF a également mis en place très récemment deux formations en prévention des risques (d’une durée d’un jour chacune) en partenariat avec Energy Formation (groupe GRDF). L’une s’adresse aux porteurs de projets, l’autre aux exploitants de sites existants. « L’idée c’est de remettre à niveau les exploitants ou de faire une piqûre de rappel aux porteurs de projets, car il demeure extrêmement complexe pour un agri-méthaniseur de se dégager le temps nécessaire au suivi d’une formation comme le CS Ruma », avertit Mauritz Quaak.

Le CS Ruma (voir Énergie Plus n°627) est jusqu’à présent considéré par le groupe de travail « Méthanisation » comme le programme le plus adapté. Il s’agit d’un cursus en alternance comprenant 12 semaines de formation théorique (420 heures) associées à 14 semaines de stage. Il est dispensé par six établissements d’enseignement agricole en France. « Le premier module “Gérer les flux d’entrée et de sortie” aborde les questions de sécurité et d’ICPE. Pour répondre aux besoins des exploitants qui ne peuvent se libérer 420 heures, nous avons ouvert la possibilité de suivre uniquement certains enseignements spécifiques, mais sans certification à la clé », détaille Étienne Halbin, coordinateur des formations CS Ruma et DU Moum à l’établissement d’enseignement agricole EPL Agro de la Meuse.

Cinq jours minimum

Le groupe de travail « Méthanisation » estime que la durée minimum d’une formation devrait être de 5 jours et comprendre une visite de terrain. Elle devrait aborder les questions de règlementation, de sécurité, d’exploitation et de biologie. En Bretagne, une formation tutorée « Exploiter une unité de méthanisation » de 5 jours a justement été créée par l’Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement. Chaque journée de formation théorique est séparée de 4 à 6 semaines de la suivante, afin de valider les enseignements par la pratique en collaboration avec un tuteur-exploitant. D’une manière générale, le CTBM insiste sur l’importance du temps passé en formation sur le terrain. Le fait que les programmes du titre supérieur TMBG et du certificat de spécialisation Ruma se déroulent tous deux en alternance demeure en ce sens, un atout indéniable.

Plus d’informations : www.infometha.org
Étude d’impact de la filière biogaz sur l’emploi en France de 2018 à 2030 (juillet 2019)

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