Géo-ingénierie, des promesses trop risquées
L’émergence des solutions de géo-ingénierie, en particulier celles de modification du rayonnement solaire, pose de plus en plus de questions au vu des risques recensés. Ces derniers seraient même bien trop nombreux pour miser sur ces technologies pour la plupart encore au stade du laboratoire.
« Sortie », « abandon »… Depuis quelques jours, ces termes font l’objet d’un âpre débat sur le devenir des énergies fossiles à la 28e édition des Conférence des parties (COP28). Figureront-ils sur le projet de texte définitif ou seront-ils écartés comme le réclament les États et lobbyistes pétroliers ? Cet enjeu crucial et récurrent montre les trop grandes difficultés à surmonter pour définir des stratégies communes d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Dans cette volonté de report et d’évitement de ces politiques, d’autres solutions émergentes, avant tout technologiques, sont de plus en plus promues.
Le captage et stockage de CO2 (CCS) a ainsi été mis en avant de nombreuses fois par les pays et entreprises producteurs d’hydrocarbures lors lors de cette COP28 comme outil indispensable pour lutter contre les impacts climatiques. Cette technologie qui ne fait pas l’unanimité et n’a pas encore fait ses preuves à grande échelle, fait partie des solutions de géo-ingénierie. Celles-ci visent à délibérément intervenir et modifier le système climatique afin d’en atténuer les changements et/ou d’en réduire les effets. Dans ce grand ensemble, la géo-ingénierie s’articule autour de deux grandes familles, regroupant elles-mêmes des techniques et des pratiques diversifiées. La première, qui rassemble les technologies d’élimination du CO2 (CDR pour carbon dioxyde removal), a pour but d’extraire a posteriori ce gaz de l’atmosphère afin de maintenir une concentration « acceptable ».
Plusieurs méthodes d’élimination existent, en particulier une meilleure gestion de l’utilisation des sols (plantation d’arbres et restauration de tourbières) pour améliorer les puits de carbone terrestres et le recours à la capture directe du CO2 dans l’air (CCS) (voir Énergie Plus n °711). Renforcer les processus naturels d’altération du CO2, par exemple en augmentant l’absorption par l’océan, est également avancé.
Rayonnement solaire
Encore au stade expérimental, la deuxième famille a quant à elle pour objectif de modifier le bilan radiatif de la Terre, le plus souvent en remaniant le rayonnement solaire (SMR pour solar radiation management). Par le biais d’interventions atmosphériques qui réfléchissent davantage de lumière solaire vers l’espace ou qui permettent à davantage de rayonnement infrarouge de s’échapper vers l’espace, ces techniques tentent de compenser les effets de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre (GES).
Plusieurs projets de géo-ingénierie solaire entendent à terme déployer des dispositifs techniques et/ou chimiques dans les nuages, l’atmosphère ou l’espace. C’est notamment le cas de la technique d’éclaircissement des nuages marins. « L’injection d’embruns dans ces cumulus de basse altitude pourrait accélérer le processus de condensation et ainsi rendre plus réflectifs ces nuages marins », a indiqué Marine de Guglielmo Weber, directrice scientifique de l’Observatoire Défense & Climat à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), lors de la publication d’une note sur cette thématique en novembre 2023 (1).
Dans le cadre du projet australien « Marine cloud brightening for the Great Barrier Reef », réunissant des chercheurs de l’Institut des sciences marines ainsi que de l’École des Géosciences de Sydney, cette solution a déjà été mobilisée afin de refroidir localement la température au-dessus de la grande barrière de corail. Les premières recherches et modélisations ont ainsi débuté dès 2013, avant la réalisation d’essais en haute mer entre 2020 et 2022. Plus hauts dans l’atmosphère, les cirrus font également l’objet de recherches. Composés de nombreux petits cristaux de glace, ces nuages situés dans la haute troposphère sont épais et laissent sortir peu de rayonnement, maintenant la chaleur sur Terre. Le processus d’amincissement des cirrus vise ainsi à stimuler la création de cristaux plus volumineux en injectant des noyaux de glace (iodure de bismuth, particules d’acide sulfurique ou nitrique) dans les zones où ces nuages se forment naturellement. Quelques projets, tels que le « Ice Cloud Size Distributions » mené par l’Institut américain de Recherche du Désert ou le « Cirrus Cloud Thinning calculations » de l’Institut fédéral suisse de technologie de Zurich, tentent d’évaluer ce type de procédé qui offrirait une libération plus conséquente de rayonnement terrestre dans l’espace.
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