Denel applique l’ISO 50001 à la transformation de fruits exotiques

07 03 2022
Philippe Bohlinger
Denel
Le site fondé en 1908 sous la forme d’une conserverie d’ananas constitue un patrimoine de l’industrie martiniquaise.

La PME martiniquaise Denel décline ses convictions environnementales jusque dans ses procédés. La certification ISO 50001 est venue saluer fin 2021 la qualité du management des énergies de cette entreprise spécialisée dans la transformation de fruits exotiques

Les confitures et jus exotiques de Denel améliorent leur score énergétique. Cette entreprise séculaire de 50 salariés, emblématique de La Martinique, a mis ses activités de transformation de fruits au diapason des enjeux de la transition climatique. Le processus de certification ISO 50001 pour le management des énergies engagé il y a trois ans dans ses ateliers de Gros-Morne, est le fruit d’une double volonté. Celle d’une direction désireuse de mieux maîtriser ses dépenses et celle d’une équipe attentive aux problématiques écologiques.

« La certification ISO 50001 décrochée en octobre 2021 est venue prolonger la démarche de responsabilité sociétale et environnementale lancée dix ans auparavant par Denel. Il s’agissait à l’époque de valoriser les 60 hectares de terres entourant nos ateliers dans l’agriculture biologique », introduit Chloé Mazaloubeaud, responsable environnement chez Denel et référente énergie du site de Gros-Morne.

Les premiers pas dans l’efficacité énergétique ont été franchis après une incontournable phase d’apprentissage. La responsable environnement et son homologue Dominique Marcus, responsable technique, ont commencé en 2017 par se former au management des énergies. Le cheminement vers l’ISO 50001 s’est poursuivi par un audit énergétique. Verdict, l’entreprise consomme 5,75 GWh par an, dont une moitié pour ses besoins en électricité et l’autre pour ses besoins en fioul, principalement pour la production de vapeur.

Chambres froides dernier cri

Dans le détail, les résultats de l’audit ont confirmé les pressentiments de Denel, notamment la surconsommation induite par ses conteneurs frigorifiques… Ces derniers étaient employés comme cellules de refroidissement, afin de surgeler à -18°C les fûts de pulpe de fruits, puis comme chambres froides, pour les conserver par congélation. En réponse, l’entreprise a choisi de se doter de nouvelles installations en froid négatif de 6 300 m³ de capacité, en remplacement de vingt conteneurs totalisant 2 600 m³.

Denel
L’optimisation des performances de la station de traitement des eaux usées s’est traduite par 10%
d’économie sur la facture d’électricité.

Cette chambre froide est dotée d’un système de réfrigération performant, utilisant comme gaz réfrigérants le CO2 et l’ammoniac. L’ambition de cet investissement d’un montant de 3 millions d’euros était triple. Il s’agissait d’augmenter les capacités de transformation tout en abaissant le ratio énergétique, mais aussi d’améliorer les qualités gustatives des produits commercialisés sous la marque « Royal ».

« Nous avons battu notre record en 2021 avec 1 400 tonnes de fruits transformés soit une progression de 30 % en dix ans ! Notre l’objectif consiste maintenant à atteindre la barre des 3 000 tonnes par an, tout en améliorant notre bilan carbone. Sur le plan électrique, la nouvelle chambre froide a augmenté de 45 % notre consommation, mais nous avons multiplié dans le même temps notre capacité de stockage par deux-et-demi. Nous pouvons sans doute faire mieux en maitrisant davantage les descentes en température par types de pulpes grâce à des sondes immergées », poursuit Chloé Mazaloubeaud.

Panneaux photovoltaïques

Parallèlement, l’installation de panneaux solaires photovoltaïques, en autoconsommation, a permis de couvrir 14 % des besoins électriques du site. Un investissement dans les énergies renouvelables jugé essentiel par l’entreprise dans la mesure où l’électricité à La Martinique est produite essentiellement à partir de pétrole. Les meilleures performances du procédé de surgélation ont également été synonymes d’abaissement plus rapide de la charge microbienne des produits, donc d’une plus grande qualité gustative.

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Des filtres plantés de roseaux ont été aménagés en vue de dégrader une partie des polluants de
manière naturelle.

Cerise sur le gâteau, elles pourront générer des gains supplémentaires en kilowattheures. En effet, « en raison des moindres performances de nos anciens conteneurs frigorifiques, nous devions chauffer davantage les produits lors des étapes de stérilisation et de pasteurisation. Les nouvelles installations de froid négatif nous autorisent à réétudier à la baisse ces barèmes de températures, ce qui devrait encore réduire notre consommation de vapeur donc de fioul », poursuit la référente énergie.

Enfin, l’audit énergétique a mis le doigt sur les surconsommations énergétiques de la station d’épuration des eaux usées (Step). Des filtres plantés de roseaux ont été aménagés en vue de dégrader une partie des polluants de manière naturelle. De même, les procédés d’aération des bassins qui représentent les deux-tiers de la consommation électrique d’une Step, ont été optimisés. Il en résulte une économie de 10 % sur la facture d’électricité.

Des actions globales

Des campagnes de détection des fuites d’air comprimé ont encore permis de soigner le bilan. Tout comme l’amélioration du séchage extérieur des briques de jus, avant leur emballage via le remplacement d’un compresseur d’air par des sécheurs à résistance électrique (-3 % soit 8 500 euros par an). Soucieuse de conduire une démarche environnementale à 360 degrés, Denel a aussi souhaité intégrer à l’ISO 50001 la gestion des 40 000 m³ d’eau nécessaires chaque année à ses installations.

L’entreprise a abaissé sa consommation à 4,5 m³ par tonne de produit final, soit une réduction d’un tiers environ en l’espace de trois ans. Tous ces investissements ont d’ores et déjà permis d’abaisser de 4 % la consommation énergétique par tonne de produit, soit 280 kWh. Et les projets ne manquent pas pour revoir encore ce ratio. L’installation d’une nouvelle chaudière au fioul courant 2022 va améliorer de 12 % le rendement énergétique de la production de vapeur par rapport aux installations actuelles.

La récupération de chaleur fatale sur les compresseurs d’air et sur le groupe froid sera utilisée en parallèle pour préchauffer l’eau des procédés de pasteurisation et de stérilisation. Cet investissement devrait se traduire par une réduction des besoins en fioul de 20 %, anticipe Denel.

Champs solaires à venir

Également dans les cartons de l’entreprise, une centrale solaire thermique dont les panneaux pourraient produire une eau chaude et effacer encore 20 % de ressource fossile du bilan carbone. Enfin, la couverture d’un autre bâtiment en panneaux solaires photovoltaïques pourrait porter à 40 % l’autonomie électrique de l’usine.

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L’installation de panneaux solaires photovoltaïques, en autoconsommation, a permis de couvrir 14 %
des besoins électriques du site.

Des investissements dans les énergies renouvelables que l’industriel de l’agroalimentaire ne veut cependant pas séparer d’actions en matière d’efficacité énergétique. « Ces trois dernières années, notre entreprise a certes augmenté son niveau d’endettement en investissant dans plusieurs équipements (Step, chaudière, chambre froide, centrale photovoltaïques), mais le renouvellement de notre outil industriel vieillissant était une nécessité impérieuse. La dimension énergétique n’était pas seule en cause, les aspects environnementaux et touristiques l’étaient également. En effet, l’usine fondée en 1908 constitue un véritable patrimoine de l’industrie martiniquaise. Nous avons toutefois profité d’aides du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), du fonds européen de développement régional (Feder) et du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) », note Chloé Mazaloubeaud.

Soutien du programme Pro-SMEN
L’entreprise a bénéficié du soutien financier du programme Pro-SMEN. Ce programme national incite les entreprises à mettre en place un système de management de l’énergie en leur accordant une prime, une fois le certificat ISO 50001 obtenu. Les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs peuvent bénéficier de la prime qui va jusqu’à 40 000 euros.
Pour en savoir plus : www.pro-smen.org

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