Biométhane : où en sont les certificats de production ?

08 11 2022
Thomas Blosseville
Thomas Otto/Adobe Stock

Initiés au printemps, en pleine crise sur l’approvisionnement en énergie, les certificats de production de biométhane vont favoriser le développement des projets, sans impact sur le budget de l’État. Mais la finalisation du dispositif prend du temps.

« Trop de flou », « pas de visibilité », « cela tarde un peu »… Dans le biogaz, les commentaires sont unanimes : l’instauration des certificats de production de biométhane (CPB) est vue d’un bon œil mais les acteurs de la filière restent dans l’expectative. Encore dans l’attente d’un décret précisant son fonctionnement, le mécanisme semble comme bloqué au milieu du gué. Jusqu’à quand ?
« Ce dispositif a été lancé à l’initiative de la filière, notamment des producteurs », se souvient Frédéric Terrisse, porte-parole de France Biométhane. À l’époque, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) avait alloué une enveloppe pour les projets de biogaz jusqu’en 2028, avec de fortes attentes de l’État en termes de coûts. Le secteur s’est retrouvé face à un dilemme : se résigner à développer de faibles volumes ou réussir à baisser drastiquement ses coûts.
L’idée des CPB offrait une troisième voie. Avec ce dispositif, les fournisseurs de gaz naturel auraient l’obligation de contribuer au développement du biogaz, soit en produisant directement du biométhane, injecté dans le réseau, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs pour qui « le mécanisme est très important », défend Frédéric Terrisse. « Mais nous avons maintenant besoin de visibilité », ajoute-t-il. Son avis est partagé par Arnaud Bousquet, secrétaire général de France Gaz Renouvelable : « nous avons soutenu dès le départ le principe des certificats pour avoir un financement supplémentaire sans prélever sur les moyens publics. Ce qui nous pose problème, toutefois, c’est le délai de mise en œuvre. Nous sommes en période d’attente dans un contexte énergétique qui devrait, au contraire, pousser à accélérer le développement des énergies renouvelables. »

Un accueil positif

La filière dispose déjà de mécanismes de soutien, mais ils sont jugés insuffisants au vu du potentiel de développement qu’espèrent les professionnels du secteur. En ce qui concerne les capacités d’injection inférieures à 25 GWh/an, il existe un tarif d’achat en guichet ouvert. Au-delà, un appel d’offres a été lancé. Mais seules trois périodes de relève des candidatures sont pour l’instant prévues. La première aura lieu en décembre, les deux suivantes en juin et décembre 2023. À ce stade, aucun soutien n’est prévu après cette échéance pour les projets supérieurs à 25 GWh/an. De toute façon, les volumes prévus par l’administration pour ces deux mécanismes sont inférieurs aux espoirs de la filière, qui compte représenter 20 % du gaz consommé en France en 2030. Les producteurs de biométhane se montrent donc favorables à l’instauration d’un autre dispositif de soutien, comme les CPB.
La Commission de régulation de l’énergie (Cre) lui a elle aussi réservé un accueil plutôt positif, d’autant qu’il s’agit d’un dispositif de marché. Il n’est pas financé par le budget de l’État, son coût étant porté par les fournisseurs de gaz.

Trop d’incertitudes

Dans ces conditions, depuis la parution en avril du décret instaurant le dispositif, où en est-on ?
Un deuxième décret doit détailler sa mise en œuvre. Il est toujours attendu alors qu’il est censé « préciser des éléments vraiment déterminants », rappelle Arnaud Bousquet. Il doit fixer le taux d’incorporation de biométhane obligatoire pour les fournisseurs. Pour l’instant, la filière ne connaît pas la trajectoire envisagée, pas même le point de départ.
Autre exemple, des exonérations sont attendues, mais elles restent à définir, en particulier quand les consommateurs de gaz sont soumis à concurrence internationale, ou pour les petits fournisseurs. Enfin, citons le coefficient de modulation. Ce paramètre va convertir les mégawattheures injectés en certificats, en modulant le calcul selon différents paramètres : taille de l’installation, technologie utilisée, date de mise en service, etc. Mais des détails manquent. « En l’absence de modalités de mise en œuvre, le dispositif est trop flou pour prendre position sur sa pertinence », résume Marine Cordelier, chargée de projet méthanisation au bureau d’études Solagro. Aussi important soit le dispositif, tous les acteurs s’accordent donc sur la nécessité de correctement le concevoir. « Il est important de le mettre en place, dans la concertation avec l’ensemble de la filière. Un démarrage des premières obligations en 2026 permettrait de donner une nouvelle impulsion », souhaite Frédéric Terrisse, de France Biométhane.

Parmi les points de vigilance, figure le type de projets encouragés. « Attention à ce que les certificats n’entraînent pas une course à la taille vers des propositions trop grandes pour être acceptées localement », prévient Arnaud Bousquet. Même constat chez Solagro : « le mécanisme n’est pas favorable aux petits projets, typiquement ceux portés par les collectifs agricoles qui ont besoin de visibilité », analyse Marine Cordelier. « Il faudra que le contrat d’achat perdure en parallèle. » Pour d’autres, il y a une vraie attention à s’assurer que les CPB et les appels d’offres coexistent sans effet indésirable, tel que le report sur les appels d’offres des projets les moins compétitifs.

Nombreuses inconnues

Dans un avis publié au printemps, la Cre recommandait ainsi « que les appels d’offres soient mis en œuvre uniquement pour les catégories de projets ne pouvant se développer dans le cadre des certificats de production ». Citons encore les pénalités auxquelles devront se soumettre les fournisseurs de gaz s’ils ne respectent pas leurs obligations. Leur niveau déterminera mécaniquement le prix plafond auquel les fournisseurs seront prêts à acheter des CPB. Il est donc structurant.
De même, les producteurs auront besoin de connaître les durées sur lesquelles ils pourront signer les contrats de vente de leurs certificats avec les fournisseurs, un paramètre décisif dans l’équation économique de leurs centrales. Les inconnues sont donc nombreuses. « Mais il y a moyen de faire simple », assure Rami Hariri, délégué biométhane du distributeur GRDF.

« Tout l’enjeu est de parvenir à un mécanisme équilibré, un marché qui viendra en soutien des projets et où chacun s’y retrouvera : les producteurs, les fournisseurs et les consommateurs. » Les acteurs du biométhane défendent l’instauration d’une première obligation pour les fournisseurs, quitte à ce que le niveau d’obligation soit bas dans un premier temps. Cette visibilité permettrait à chacun de s’organiser.
Du côté de l’État, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) préférerait attendre l’adoption de la loi de programmation sur l’énergie et le climat attendue pour mi-2023. Il en découlera la publication de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), avec des objectifs de développement du biométhane. La DGEC souhaiterait calibrer le mécanisme des certificats de production en fonction de ces objectifs, ce qui renvoie donc au deuxième semestre 2023.

Une entité nouvelle à créer ?

En attendant, la filière essaie de s’organiser. Une entité pourrait être créée pour permettre aux fournisseurs d’acheter les certificats de façon groupée. Mais dans le même temps, la crise énergétique, aggravée par la guerre en Ukraine, rebat complètement les cartes. La seule augmentation des prix de l’électricité entraîne, selon France Biométhane, une hausse « de plus de 20 euros par mégawattheure de biométhane pour un coût moyen jusqu’ici de 100 à 110 € », chiffre Frédéric Terrisse. Au-delà de l’électricité, la filière est aussi impactée par d’autres hausses : celles des prix des carburants, des taux d’intérêts ou encore des coûts d’acquisition des équipements utilisés pour construire les installations. De quoi rendre finalement plus urgent le lancement des certificats de production ?

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