Fret ferroviaire, un enjeu à repositionner sur de bons rails
La part du fer dans le transport de marchandises a chuté en trente ans. Depuis quelques années, la filière et le Gouvernement tentent de la relancer pour atteindre 18 % de ferroviaire en 2030. Tous les leviers activés ne permettent pas encore de parvenir à cet objectif.
En France, le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES). En 2019, il représentait 31 % de ces rejets, dont deux tiers issus de l’acheminement de passagers et un tiers de celui des marchandises. Pour décarboner ce dernier, le Gouvernement souhaiterait reporter ses flux de la route vers le rail. En effet, transporter un produit en train consomme six fois moins d’énergie et émet dix fois moins de GES qu’en camion, le réseau ferroviaire national étant électrifié à plus de 60 %. Pourtant, ce type de fret peine à s’imposer. En 2022, sa part modale était de 11 % contre 87 % pour le transport routier et 2 % pour le fluvial. La moyenne européenne s’établissait quant à elle à 18 % en 2019.
Depuis 2021, le Gouvernement a donc pour ambition de porter la part du fer à ce même pourcentage à l’horizon 2030, soit environ 65 milliards de tonnes de marchandises transportées sur un kilomètre (t.km), puis à 25 % à l’horizon 2050 pour contribuer au respect de la neutralité carbone.
Un déclin historique
Le fret ferroviaire n’a pas toujours été asphyxié par la route. En 1950, le rail assurait le transport de deux tiers des marchandises, avant de chuter à 30 % en 1985, à 9 % en 2019 puis de rebondir pour atteindre 11 % en 2022, soit 35Md de t.km.
Selon la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire (SNDFF) (1), depuis l’année 2000, cette baisse est due à plusieurs facteurs. Tout d’abord, avec la désindustrialisation, les bassins de production sont moins importants et plus inégalement répartis sur le territoire. Cela empêche les opérateurs de fret ferroviaires (OFF) de massifier les flux pour réaliser des économies d’échelle. Ensuite, les ports français sont moins attractifs que leurs voisins européens et leur connexion avec le ferroviaire est insuffisante. Par ailleurs, l’ouverture du secteur à la concurrence en 2006 a contribué à son affaiblissement. En effet, les chargeurs –les entreprises nécessitant un acheminement de leurs produits–, se sont mis en recherche d’une amélioration de la qualité de service et de tarifs plus avantageux. Ils ont donc sollicité les nouveaux OFF pour des trafics déjà réalisés par l’opérateur historique du groupe de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), l’actuel Fret SNCF. Par conséquent, peu d’axes différents ont été développés.
Mais surtout, les OFF sont dépassés par les transporteurs routiers, jugés par les chargeurs plus réguliers, ponctuels et réactifs. L’acheminement en camion est en moyenne 20 à 30 % moins cher que par le rail même s’il est impossible de généraliser tant les trajets et les acteurs divergent. Toutefois, « plus la distance est longue, plus le ferroviaire est compétitif », précise Alexandre Gallo, le président de l’Association française du rail (Afra). Enfin, comme le souligne Olivier Milan, co-rapporteur de plusieurs rapports au sein du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et inspecteur général à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), « dans beaucoup de pays européens, la logistique est davantage polarisée et orientée vers l’intermodalité. Les pôles sont par exemple situés vers le bord des canaux en Belgique ou à proximité des noeuds ferroviaires en Italie. Le COI a recommandé la mise en place d’un agrément pour conditionner la création de nouveaux grands entrepôts à un raccordement effectif ou possible au fer ou au fleuve ».
Des lacunes de capacité et de qualité
Surtout, tous les acteurs s’accordent pour le dire, le réseau ferroviaire fait actuellement les frais de bien trop maigres investissements depuis une trentaine d’années. De ce fait, il manque cruellement de capacités. Les OFF peinent à obtenir des sillons, c’est-à-dire des créneaux d’autorisation de circulation alloués sur un parcours de l’infrastructure à un instant précis. De plus, lorsqu’il les attribue, SNCF réseau, le gestionnaire d’infrastructure (GI), a coutume de favoriser les trains de passagers. Les OFF, réunis au sein de l’Alliance « Fret ferroviaire français du futur » (4F), déplorent également la qualité des sillons : des horaires peu arrangeants, des retards conséquents et des annulations sont recensés. Selon un rapport de l’Igedd (2), sur plus de 440 000 sillons-jours demandés en 2022, ils n’en ont reçu qu’un peu plus de 65 % avec la bonne origine-destination et un écart horaire jugé acceptable.
Outre les financements, pour Alexandre Gallo et Raphaël Doutrebente, le président de l’Alliance 4F, il est nécessaire que le GI réforme son fonctionnement interne pour améliorer sa performance. Afin de limiter les annulations et les retards, différentes pénalités ont d’ailleurs été mises en place mais pour l’Igedd (2), elles ne sont pas assez importantes pour être réellement incitatives.
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