Déchets nucléaires : le stockage profond privilégié mais compliqué à déployer
Pour stocker de manière sécurisée leurs déchets nucléaires, les différents états ont lancé des projets qui seront concrètement mis en œuvre d’ici une cinquantaine d’années. Le stockage géologique profond est privilégié un peu partout mais soulève des interrogations environnementales et économiques.
L’industrie nucléaire génère des déchets qu’elle ne parvient pas à recycler depuis des décennies. Après avoir été entreposés dans des piscines le temps que leur radioactivité baisse, ils sont enfermés dans des conteneurs en surface, comme à La Hague. Mais cette solution ne peut pas durer plus d’un siècle alors que certains éléments peuvent rester dangereux pendant 100 000 ans. Pour stocker 85 000 m3 de déchets nucléaires de haute activité et de moyenne activité à vie longue, la France a donc lancé dans le petit village de Bure le projet Cigéo (voir Énergie Plus n°610). Porté par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il a nécessité vingt-cinq ans de réflexion avant que son principe, qui repose sur le stockage géologique profond dans des argilites du Callovo-Oxfordien, ne soit définitivement entériné.
Toutefois, ce projet ne fait pas l’unanimité. Certains militent pour le stockage à sec en subsurface, un procédé Déchets nucléaires : le stockage profond privilégié mais compliqué à déployer pour stocker de manière sécurisée leurs déchets nucléaires, les différents états ont lancé des projets qui seront concrètement mis en œuvre d’ici une cinquantaine d’années. le stockage géologique profond est privilégié un peu partout mais soulève des interrogations environnementales et économiques. qui a le mérite de ne pas être définitif et qui permettrait de stocker les déchets radioactifs durant plusieurs siècles le temps de trouver un moyen de les traiter. D’autres estiment que les stocker dans des galeries de granite dans d’immenses fûts en cuivre serait plus sûr.
Ces débats montrent bien que les doutes persistent autour de ces déchets dont on ne sait que faire. D’autant plus que cela coûte très cher. Pour l’ensemble des travaux et l’exploitation, le budget de Cigéo a été fixé par arrêté à 25 milliards d’euros sur 140 ans. L’Andra estime d’ailleurs qu’il lui faudrait environ 35 Md€ pour les mener à bien. Ces tergiversations ne sont pas une particularité franco-française. Partout, les projets de stockage donnent lieu à d’âpres discussions et peinent à se lancer, voire connaissent des incidents. Un rapport publié par Global Chance fait le point sur le sujet.
Les États-Unis traînent
Aux États-Unis, dès 1982, une loi fédérale entérinait le principe du stockage géologique profond pour les combustibles irradiés des centrales et les déchets issus des activités militaires. Cinq ans plus tard, le site de Yucca Mountain, dans l’État du Nevada, est retenu. Il est implanté dans le désert de Mohave à environ 120 km au Nord-ouest de Las Vegas. Le Département de l’énergie (DOE) a lancé la phase expérimentale en 1997. Pendant plus de dix ans, une dizaine de kilomètres de tunnels ont été creusés ainsi qu’une soixantaine de puits en surface afin de déterminer si la géologie du site était adaptée à l’entreposage définitif de déchets nucléaires. Mais après ces années de test, un rapport a révélé qu’une faille sismique passait juste en dessous du site. En 2008, l’autorisation de construction est retirée et le projet définitivement abandonné.
Parallèlement, le DOE a lancé en 1979 un autre projet à 42 km de la ville de Carlsbad, au sud-est du Nouveau-Mexique. Le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), exploité depuis 1999, est prévu pour stocker environ 176 000 m3 de déchets radioactifs soit 850 000 colis. Contrairement au site de Yucca Montain, celui-ci est pleinement opérationnel. Mais il a connu des incidents qui montrent à quel point il est complexe de stocker ces déchets de manière totalement sécurisée. En février 2014, deux accrocs sont ainsi intervenus coup sur coup. Le 5, un camion a pris feu au sein des galeries. Le 14, un capteur alertait sur un niveau de radioactivité anormal. Un colis avait expulsé un mélange de gaz issus de la décomposition de matière à très haute température (1 500 °C) et de particules fines et combustibles. Ce mélange s’était enflammé, causant un nouvel incendie. 22 employés ont été faiblement contaminés. Si le bilan humain de l’incident est léger, ses conséquences économiques sont désastreuses. Le coût à long terme de l’accident pourrait dépasser les 2 milliards de dollars, un montant comparable au nettoyage effectué après la fusion partielle de 1979 à la centrale nucléaire de Three Mile Island. En 2017, les transferts de déchets ont repris. Mais le pays ne dispose pas de capacités suffisantes alors que les volumes s’accumulent. L’Administration Biden cherchent de nouveaux sites, sans rien de concret pour l’instant.
Oppositions en Belgique, doutes en Suisse
La Belgique a étudié la possibilité de stocker les déchets nucléaires dans des sols argileux bien avant la France et cela dès 1974. Depuis plus de quarante ans, l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (Ondraf) mène des expériences à 225 m de profondeur dans un laboratoire baptisé Hadès. Selon l’organisme, qui a obtenu l’accord de l’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN), ce type de stockage en profondeur est à privilégier. Mais il reste encore de nombreux points à élucider, notamment concernant la définition des modalités de réversibilité, de récupérabilité et de monitoring, et le choix du ou des sites de stockages géologiques définitifs. En outre, la Wallonie et Bruxelles ont refusé en 2020 le principe de l’enfouissement en profondeur des déchets nucléaires. La Région wallonne préfèrerait qu’ils soient entreposés en subsurface.
En Suisse, la loi sur l’énergie nucléaire du 21 mars 2003 a confirmé le choix du stockage des déchets nucléaires de haute activité en couche géologique profonde d’argile après presque une décennie de recherches dans un laboratoire du Jura. Le Conseil fédéral a retenu un site dans la région du Nord des Lägern après en avoir écarté deux autres potentiels. Pour autant, la demande d’autorisation générale pour un dépôt en couches géologiques profondes est soumise à un référendum facultatif. Celui-ci sera organisé vers 2030 si 100 000 signatures sont recueillies. Au cas où il serait négatif, il faudrait trouver un nouveau site, ce qui entraînerait du retard pour un projet qui doit à priori être construit à partir de 2045. De plus, la proximité du lieu choisi avec la frontière allemande inquiète Berlin.
Une technique déjà décriée
Contrairement à la France, la Suisse ou la Belgique, la Suède et la Finlande ont choisi d’enfouir leurs déchets dans des terrains granitiques. En juin 2009, le consortium suédois SKB a retenu Soderviken, près de Forsmark, pour lancer son projet de site de stockage. Implanté à 500 m de profondeur, il sera composé de 60 km de tunnels sur une surface de 4 km². Le combustible irradié sera enfermé dans 6 000 conteneurs en fonte de cuivre. De l’argile bentonitique entourera chaque conteneur pour empêcher toute fuite. Le gouvernement suédois a approuvé le permis de construire en janvier 2022. Sa construction et son exploitation devraient durer environ 70 ans. En Suède aussi, le site et la technologie de stockage choisis sont contestés. Tout d’abord, l’emplacement situé en bord de mer pourrait être touché par la montée des océans. Ensuite, des chercheurs ont découvert que le cuivre stocké sous terre sans oxygène peut se désintégrer. Les capsules ne seraient donc pas sûres à long terme et leur contenu risquerait de s’infiltrer jusque dans les nappes phréatiques. SKB devra fournir des preuves contradictoires pour que son projet soit définitivement autorisé.
Malgré ces doutes, la Finlande a choisi exactement la même technologie avec les conteneurs de cuivre développés par SKB. Elle les enfermera à 450 m de profondeur dans 200 tunnels de 70 km. Au total, la capacité envisagée est de 6 500 tonnes de combustibles à horizon 2070. Quelle que soit la technologie privilégiée, le stockage définitif de matériaux irradiés pose problème. « Aucune solution, nulle part, n’a été trouvée pour la gestion à long terme des énormes volumes de déchets nucléaires. Cela concerne notamment les combustibles usés extrêmement radioactifs générés dans tous les réacteurs nucléaires, pour lesquels tous les efforts visant à trouver des options de stockage définitif sans risques pour la sûreté et la sécurité ont échoué », résume Greenpeace dans un rapport. Mais la solution miracle existera-t-elle un jour ?